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LA MAISON DE JUSTICE.

sorte d’allée resserrée entre deux murs et surmontée d’un toit en madriers couverts d’un revêtement de zinc. Une poutre enflammée tomba sur un de ces toits qui prit feu ; à coups de croc on le démolit, et on l’éteignit ; successivement les toitures flambèrent et furent détruites, sans péril, de la même façon.

Le Palais et la maison de justice sont chauffés par un calorifère à eau chaude dont le réservoir fut effondré par l’incendie. Comme au Dépôt, ce fut une inondation. Un rapport d’un des employés de la prison dit : « Nous étions submergés, » on aurait pu ajouter : et affamés, car on n’avait pas de vivres et nul moyen de s’en procurer. La provision de pain expédiée chaque jour par la boulangerie centrale des prisons installée à Saint-Lazare n’était point arrivée, car tout chemin était coupé de barricades ; il n’y avait pas à penser à aller chercher quelque nourriture dehors ; on était pris dans un demi-cercle de flammes ; la seule route qui ne fût pas à l’incendie était le quai de l’Horloge, que la fusillade et les paquets de mitraille rendaient infranchissable.

On avait donné la liberté de la prison aux individus arrêtés par ordres illégaux, et l’on gardait en cellule les vingt-sept détenus appartenant à la justice que la Commune avait oublié de rendre à la civilisation. Les gardiens surveillaient le Palais et se tenaient prêts à se porter au secours de toute partie de la Conciergerie qui serait attaquée par le feu. À deux heures du matin, le 25 mai, ils entendirent frapper précipitamment à la porte d’entrée ; on courut, et après avoir regardé par le judas réglementaire, on ouvrit : c’était un peloton du 69e de ligne. Au premier mot du capitaine : « Et vos otages ? » on put répondre : « Ils sont sauvés ! » Les trente-quatre gendarmes que M. Durlin avait arrachés à la mort furent dirigés sur la place du Châtelet,