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LA MAISON DE JUSTICE.

de toute catégorie le signal d’une demi-liberté qui deviendrait tout à fait de la licence ; mais elles devaient veiller à leur propre salut, et elles comprenaient qu’elles n’étaient pas de force à lutter contre les volontés perverses dont elles étaient entourées. Elles s’étaient juré de ne point quitter le costume religieux, qui pour elles est l’uniforme du devoir et le vêtement de la foi. Il fallut donc négocier, obtenir l’autorisation de quitter Saint-Lazare, de quitter Paris, au grand jour, tête haute, comme un bon corps d’armée qui bat en retraite lorsque tout effort est devenu inutile. Ce fut sœur Marie-Éléonore qui se chargea de cette action diplomatique et sut la faire réussir. En invoquant avec habileté les droits de la liberté de conscience et la nécessité de soustraire les religieuses à quelques dangers que l’on pouvait prévoir, elle obtint d’Edmond Levraud l’autorisation de se retirer à Argenteuil avec la communauté, après toutefois avoir organisé un service laïque dans les différentes sections de la prison. Le laissez-passer fut signé. On le communiqua au surveillant de garde à la porte d’entrée, qui le trouva régulier et promit d’en tenir compte.

Le 17 avril, les meubles appartenant aux sœurs, les vases sacrés de la chapelle où pria saint Vincent de Paul, étaient chargés sur une voiture de déménagement, lorsque la maison fut envahie par un peloton de fédérés envoyé par la Commune. Le chef du peloton avait ordre de ne point perdre de vue sœur Marie-Éléonore et de s’opposer à sa retraite ; on croyait, en empêchant le départ de la supérieure, arrêter celui de toute la communauté. Une cinquantaine de détenues, prévenues et jugées, persuadées que l’on venait pour fusiller « la mère », se réunirent autour d’elle et ne la quittèrent plus ; elles s’interposaient autant que possible entre elle et les fédérés qui la suivaient pas à pas.