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la rue Vavin font éclater », dit Lissagarav[1], ébranla, le 24 mai, la vieille prison, mais ne la renversa pas.

Raoul Rigault ne survécut pas longtemps à Chaudey ; le meurtre n’était, pas commis depuis vingt-quatre heures que déjà l’assassin avait rejoint sa victime. Très prudent malgré son arrogance, Rigault, dès le 18 avril, avait retenu un appartement rue et hôtel Gay-Lussac, chez un maître logeur nommé Chrétien ; il s’était fait inscrire sur le registre des locataires au nom d’Auguste Varenne, homme d’affaires, âgé de vingt-sept ans, né en Espagne, ayant eu Pau pour dernier domicile. Il avait là une simple chambre à coucher, qu’il partageait souvent avec une femme de théâtre.

Le 24 mai, vers cinq heures du soir, quelques chasseurs à pied du 17e bataillon, qui venait d’emporter la barricade du boulevard Arago, aperçurent un commandant de fédérés qui entrait précipitamment à l’hôtel ; ils firent feu sur lui et le manquèrent. Quatre ou cinq hommes, conduits par un caporal, se jetèrent derrière lui, pénétrèrent dans la maison et en arrêtèrent le propriétaire, qui naturellement fit de sérieuses objections. La maison n’avait qu’une, issue, on s’en assura, et le logeur fut requis d’aller chercher l’officier fédéré qui, disait-il, avait gravi l’escalier. En haut de l’escalier, au-dessous d’une fenêtre à tabatière ouvrant sur la toiture, M. Chrétien trouva Rigault et lui dit : « Les soldats sont en bas, il faut descendre. » M Rigault lui proposa de fuir par les toits. Le propriétaire refusa. « Non, descendez, rendez-vous ; sans cela, je serai fusillé à votre place. » Raoul Rigault sembla hésiter ; puis prenant son parti : « Soit, dit-il, je ne suis pas un lâche (le mot fut plus vif), descendons ! » Il portait une épée et tenait un revolver à la main. Au second étage, il

  1. Loc. cit., p. 382.