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LE GÉNÉRAL CHANZY.

que phrase il prenait son chassepot, vous tenait en joue, et, quand la phrase était finie, il remettait son chassepot sur l’épaule. »

On pourrait croire que le général Cremer, habitué à la régularité militaire, a un peu chargé le tableau ; on se tromperait, il n’a dit que la vérité. Nous en trouvons la preuve dans un mémoire inédit, écrit par un de ceux qui signèrent l’ordre d’élargissement du général Chanzy. Voici en quels termes, presque identiques à ceux du général Cremer, il rend compte de la première séance du Comité central : « Après vérification des pouvoirs dont nous étions munis, nous fûmes introduits. Non, jamais je n’oublierai le spectacle qui s’offrit à ma vue, lorsque j’eus franchi le seuil de la salle qui venait de s’ouvrir devant nous. Qu’on se figure, assis autour d’une longue table, des hommes à la tenue débraillée, aux manières communes, sales, hâves, ébouriffés, parlant tous en même temps avec des gestes furibonds et paraissant toujours prêts à se jeter les uns sur les autres. Et quel langage ! quelles expressions ! quel cynisme ! C’était à croire que tous les personnages de Callot étaient descendus de leurs cadres et faisaient ripaille ce jour-là à l’Hôtel de Ville. »

Cremer rusa devant le Comité et fut habile, car on le soupçonnait déjà de s’être abouché avec Versailles, et il était question de le passer par les armes. Il put cependant se dégager et emmener avec lui les deux généraux qui durent emporter une singulière idée du gouvernement qu’une série de faiblesses et de violences venait d’infliger à Paris. Le général Chanzy se rendit chez son frère, boulevard Magenta ; il y était à peine installé que, vers deux heures du matin, on lui apporta une lettre de l’honnête Babik. Celui-ci le prévenait, en toute hâte, que le Comité du xiiie arrondissement, représenté par les officiers du neuvième secteur, furieux de ce qu’ils