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LA SANTÉ.

Cette menace date du 20 mars ; elle semble prouver que dès cette époque on se proposait d’être, au besoin, « carrément révolutionnaire ».

En arrivant à la prison de la Santé, on fut obligé de ralentir le train de la voiture pour passer au milieu d’un groupe d’une centaine d’individus qui surveillaient la porte d’entrée afin d’empêcher l’évasion du général Chanzy. Lorsque ces gardes volontaires eurent appris que le prisonnier n’était autre que le chef de la sûreté, ils s’élancèrent vers le fiacre en criant : « À mort le roussin ! » Heureusement la grille, rapidement ouverte, permit à la voiture de pénétrer dans la cour. M. Claude fut écroué et placé dans une des cellules du rez-de-chaussée. C’était alors un homme de soixante-sept ans, petit, trapu, solide, très actif ; ses cheveux blancs, son visage rasé, lui donnaient l’apparence d’un vieux notaire ; ses petits yeux bleus très mobiles avaient une singulière perspicacité, et bien souvent, derrière les masques les mieux appliqués, avaient reconnu les criminels. Chargé, en qualité de chef du service de la sûreté, de la surveillance, de la recherche et de l’arrestation des malfaiteurs, M. Claude avait souvent déployé une habileté qui l’avait rendu légendaire parmi le mauvais peuple de Paris. On savait que le patron, comme l’appelaient familièrement les inspecteurs de son service, payait volontiers de sa personne, et que seul, ainsi qu’on l’avait vu dans l’affaire Firon, il s’en allait mettre la main sur les assassins les plus redoutables. Dans plusieurs occasions, il avait fait preuve d’un esprit d’induction très remarquable et avait reconstitué toutes les circonstances d’un crime, malgré les fausses pistes où l’on cherchait à l’entraîner ; un de ses tours de force en ce genre fut la découverte du cadavre du père Kink, découverte qui permit de donner une base indestructible à l’accusation portée contre