Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
200
LA SANTÉ.

extérieurs, qui devaient avoir une influence décisive sur le sort de la Santé, étaient ignorés par ceux-là mêmes auxquels il importait tant de les connaître. Personne dans la prison ne se doutait alors que deux points stratégiques d’où pouvait dépendre le salut, étaient déjà au pouvoir de notre armée. L’aile droite avait poussé sa marche en avant sous les ordres du général de Cissey ; à cinq heures du soir, elle enlève la gare Montparnasse, d’où elle pourra se diriger vers le Panthéon ; un peu plus tard, elle chasse les fédérés de la route d’Orléans et prend la barricade appuyée à l’église Saint-Pierre, ce qui lui ouvre le chemin de la Butte-aux-Cailles, que le fédéré Wrobleski arme d’une formidable artillerie. Si cette dernière position n’avait été défendue avec ténacité par les fédérés, qui un moment ressaisirent l’offensive, la rive gauche tout entière eût appartenu à l’armée dans la journée du 23 mai.

À la Santé, le directeur et les greffiers croyaient en être quittes avec les tentatives de massacre ; ils avaient tort : la dernière et la plus énergique allait se produire à onze heures du soir. Le chef de la 13e légion, Sérizier, accompagné de Millière, et un inconnu vêtu en officier d’artillerie entrèrent au greffe et demandèrent si les otages étaient exécutés. Caullet répondit : « Non. » Sérizier se mit en colère. Caullet lui dit : « Je n’ai pas d’ordre à recevoir de vous. » Serizier était d’une extrême violence. Ce corroyeur, fort capable d’une bonne action, comme nous l’avons constaté lors de l’arrestation du général Chanzy, avait des moments « où il voyait rouge » ; sa brutalité naturelle, surexcitée par l’abus des boissons alcooliques, en faisait alors un homme dangereux. Il s’empara du livre d’écrou, le feuilleta au hasard, en criant : « Combien y a-t-il d’otages ici ? » On ne lui répondit pas ; en réalité, il y en avait cent quarante-sept. Il vociférait : « Il faut les