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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/261

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MAZAS.

cette recommandation était un tailleur de pierres soupçonné d’avoir dénoncé le complot des bombes qui se dénoua, en juillet 1870, devant la haute cour de Blois. À neuf heures du soir, les deux charretées, comme l’on disait déjà au temps de la Terreur, s’éloignèrent et prirent le chemin de la Grande-Roquette. Le lendemain 23 mai, les quatorze otages qui n’avaient pas pu faire partie du premier convoi furent enlevés à leur tour.

« Ce n’est qu’un commencement, avait dit Garreau, et si les Versaillais approchent, nous mettrons le feu à la maison ; j’ai l’ordre ! » En effet, Eudes lui avait expédié, par planton, l’ordre d’incendier Mazas. Garreau crut pouvoir s’en rapporter à Bonnard, le surveillant dont il avait fait un greffier ; celui-ci reçut des instructions précises et ne s’y conforma pas. Dès le 24 mai, la prison manqua de vivres ; des barricades l’entouraient ; la fusillade crépitait aux environs ; quelques obus avaient éclaté contre les murs. Les couloirs étaient silencieux ; on ne parlait qu’à voix basse, on écoutait les rumeurs du dehors. Dans la journée du 23, dans celle du 24, on avait attendu les mandats de transfèrement du procureur de la Commune, car on croyait, sur la parole de Garreau, à de nouveaux transbordements d’otages. Rien ne vint troubler l’angoisse des détenus ; ils tournaient dans leur cellule, avec la régularité des animaux enfermés. La nuit du 24 au 25 fut sinistre : on avait appris par les gardiens que Paris brûlait ; plusieurs projectiles effondrèrent la toiture.

Le jeudi 25, dans la matinée, on reconnut l’impossibilité de nourrir les prisonniers ; on ouvrit les cellules : « Prenez ce qui vous appartient et partez ! » La plupart croyaient que la maison allait sauter et prirent la fuite ; une centaine environ sortirent sur le boulevard Mazas sans savoir vers quel point se diriger ; une