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L'ARRIVÉE DES OTAGES.

sous le commandement du capitaine Vérig, ouvrier terrassier, petit homme brun, sec, anguleux, nerveux, ayant des bras d’une longueur démesurée, ce qui lui donnait la démarche oscillante d’un quadrumane, âgé de trente-cinq ans environ, propre à toutes les besognes où il ne faut que de la cruauté et l’amour du mal. Il ne quittait point un long pistolet d’arçon, qui lui servait à accentuer ses ordres ; il commandait : « En avant, marche, ou je fais feu ! » Il était de cette race d’hommes qui ne peuvent supporter d’autre autorité que celle qu’ils exercent eux-mêmes et dont ils abusent insupportablement. La Commune avait eu la main heureuse en choisissant François comme directeur du dépôt des condamnés, car ce fut lui qui découvrit Vérig, sut l’apprécier et lui confia le poste de la prison lorsque l’exécution des otages eut été décidée. Lorsque François avait pris possession de la prison, il y avait trouvé deux malheureux condamnés au dernier supplice, Pasquier et Berthemetz. Le 6 avril, la guillotine fut solennellement brûlée devant la mairie du xie arrondissement, parce que la Commune répudiait « toute la défroque du moyen âge ». François se rendit dans la cellule d’un des condamnés, le félicita, lui prit les mains et se mit à danser avec lui[1]. Ce bon mouvement de chorégraphie humanitaire ne l’empêcha pas d’agir avec un singulier discernement lorsqu’il mit la prison et les détenus sous la garde de Vérig.

Il promena celui-ci dans la maison et, sous le prétexte de lui en « faire les honneurs », il lui en montra toutes les dispositions. Après la première cour, l’on

  1. Il avait fait enlever et transporter chez lui les cinq dalles qui servent de point d’appui aux montants de la guillotine. On les retrouva le 28 juin 1871, lors d’une perquisition opérée à son domicile, rue de Charonne, no  10. Il déclara avoir eu l’intention de les faire vendre en Angleterre comme objets de curiosité.