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LA MORT DES OTAGES.

comme on les appela, touchèrent chacun un écu de six livres pour dédommagement de la perte de leur journée. Parlant de ces massacres, Robert Lindet a dit : « C’est l’application impartiale des principes du droit naturel. » Peut-être eût-il répété cette parole s’il eût compté les gens de bien étendus sans vie dans le chemin de ronde de la Grande-Roquette.

Lorsque le peloton sortit sur la place qui s’étend devant le dépôt des condamnés, la foule félicita les fédérés : « À la bonne heure, citoyens, c’est là de la bonne besogne ! » Vérig montrait son pistolet d’arçon et disait : « C’est avec cela que j’ai achevé le fameux archevêque, je lui ai cassé la gueule. » Il se vantait ; le procès-verbal d’autopsie démontre que Mgr Darboy ne reçut pas « le coup de grâce ». Il n’en fut pas de même de M. Bonjean : dix-neuf balles l’atteignirent sans le tuer, sans même lui faire de blessures immédiatement mortelles ; un coup de pistolet tiré en avant de l’oreille gauche mit fin à son martyre. Si Vérig, encore tout chaud du meurtre, se félicitait d’y avoir pris part, on pourrait croire que plus tard, loin de l’enivrement de la lutte, il eût regretté d’avoir assassiné des innocents ; on se tromperait. Certains hommes, pétris d’une argile impure, s’enorgueillissent d’un crime, comme d’autres s’empressent vers une bonne action. Deux ans et demi après la soirée du 24 mai 1871, Mégy a parlé, et il est utile de recueillir ses paroles. Un journal américain, mal informé, avait annoncé qu’il s’était fait justice lui-même. Voici dans quels termes Mégy rectifia l’erreur :

« New-York, 8 décembre 1873 ; à monsieur le rédacteur du Sunday Mercury. Monsieur, j’ignore où vous puisez les renseignements que vous publiez dans votre journal ; quant à celui qui me concerne, c’est une mystification que je trouve mauvaise ; aussi je vous prie