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LA GRANDE-ROQUETTE.

On a probablement attribué à Delescluze une démarche qui fut faite plus tard près des autorités allemandes par Arnold et qui fut reçue avec le mépris qu’elle méritait.

Les apologistes de la Commune ont déifié Delescluze : de sa fin ils ont fait un martyre ; mais ils ont omis de raconter à la suite de quelles violences dirigées contre lui il avait marché vers la mort. Mus par un intérêt de parti, ils n’ont pas dit toute la vérité. Cette vérité, nous allons essayer de la reconstituer, tout en prévenant le lecteur que notre récit ne repose que sur des conjectures, mais sur des conjectures tellement probables, appuyées de témoignages si concordants, qu’elles équivalent, pour ainsi dire, à la certitude.

La journée du 25 mai, — qui est, en fait, la dernière journée de la Commune, — fut extraordinairement tumultueuse à la mairie du xie arrondissement. On se tenait dans la salle des fêtes, qui était devenue les écuries d’Augias. Le parquet était jonché de débris d’assiettes, de bouteilles cassées, de charcuterie ; des matelas maculés gisaient dans les coins ; des tonneaux de vin à demi défoncés, des sacs dégorgeant de cartouches, des touries de pétrole encombraient toutes les chambres. Au fond de la salle, des femmes du quartier amenées de force par les fédérés étaient assises sur deux rangs et cousaient des sacs à sable destinés aux barricades. Elles étaient surveillées et maintenues au travail par une petite femme brune qui, armée d’un fusil, portant sur le sein gauche une large cocarde rouge, se promenait régulièrement devant elles, comme un soldat en faction. Des estafettes, des officiers sortaient et entraient ; on se gourmait aux portes ; il n’y avait plus ni chefs ni soldats ; il n’y avait plus là que des vaincus exaspérés. Delescluze avait compris que le refuge de la Commune, menacé de toutes parts, ne tiendrait plus