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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/383

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PIÈCES JUSTIFICATIVES.

avait eu le temps d’écrire une lettre que j’ai entre les mains et que je cite en entier, parce qu’elle me semble démontrer l’innocence de celui qui allait ouvrir la série des massacres systématiques :


Paris, le 22 mai 1871.

Je m’appelle Jean Isidore Valliot. Je suis à Paris depuis le 20 mars. J’ai d’abord été employé à la Commune comme palefrenier dans les caves de l’hôtel de ville. Étant tombé malade j’ai entré à l’embulance de la caserne de l’Ourcine. J’en suis sorti ces jours-ci pour m’engager dans les troupes de la Commune. On m’a donné un ordre pour me rendre à la porte Maillot (il est encore dans mon calepin qu’on m’a prie). Ma blessure n’étant pas guérie, j’ai pensé que l’artillerie qui était mon arme me fatiguerait beaucoup. Je me suis enrolé aux éclaireurs fédérés, rue des prêtres saint Germain l’auxerrois, je figure le 2me sur la liste d’enrolement ; j’ai passé ma journée hier à chercher des jeunes gens pour former notre première compagnie.

Déjà hier soir nous étions une centaine ; nous fûmes casernés à la caserne Babylone. Moi j’ai pour camarade un jeune homme qui est ordonnance du colonel Ponce gouverneur de la caserne de la Citée, j’ai couché avec lui la nuit dernière. À huit heures seulement ce matin j’ai trouvé un chassepot à la caserne et je suis parti du côté des Tuileries. Comme le feu sur le quai de la rive droite était accablé d’obus, j’ai pris le pont des saints Pères et je suis entré dans la rue de Varennes, je crois. Nous avons tiraillés quatre que nous étions toute la matinée contre des espèces de sergents de Ville habillés en gardes nationaux avec un galon blanc à leur képi. Nous avons gagné de maison en maison jusqu’à la rue de Sèvres. Là les Versaillais étaient en face de nous. Nous avions un couvent sur notre passage, j’ai voulu en fermer la porte pour pouvoir gagner la terrasse, c’est alors qu’un vengeur de Flourens en casquette blanche me fait signe tombe sur moi et me désarme malgré mes protestations. On me prend un beau révolver de cavalerie que j’ai depuis le 10 décembre, on me prend mon fusil chassepot et cinq francs d’argent et tous mes papiers parmis lesquels une carte d’identité du bataillon. Maintenant on m’accuse d’insulte à la Commune, je ne connais pas tous les membres de la Commune, mais je peux dire dut-il m’en couter la vie, que j’ai indignement été traité dans mon arrestation. Ajoutons à cela que je me trouve complètement sourd et comme fou par les coups de feu ce matin.

On m’accuse d’ivresse, je n’ai ni bu ni mangé depuis ce matin, si je suis soul c’est par la poudre.

Un dernier mot j’invoque comme preuve de mon identité le colo-