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PIÈCES JUSTIFICATIVES.

des chasseurs, dont la remuante activité devient inquiétante : gymnase, manœuvre du canon, corvées, tout est mis en usage et ne produit que de médiocres résultats » (11 mars, Journal militaire.)

« Envoi des corvées sans armes au plateau de la Bergerie et à Buzenval pour l’enterrement des cadavres demeurés sans sépulture dans les lignes prussiennes. » (15 mars, Journal militaire.)

« Continuation des précédentes corvées et de deux autres. Les corvées d’ensevelissement ne peuvent être abandonnées, bien que ce soit un dimanche. » (18 mars, Journal militaire.)

« C’est au milieu de ces difficultés, et dans cette situation déjà si tendue que le colonel Pottier, commandant le 113e de ligne, reçut, le 18 mars, vers minuit, l’ordre de se replier sur Versailles, ne laissant au Mont-Valérien que les chasseurs. »

Si, comme il est dit dans l’enquête parlementaire, plusieurs députés, dont le général Martin des Pallières, l’amiral Jauréguiberry, s’émurent de l’abandon de cette forteresse, et firent sans résultat des démarches auprès du chef du pouvoir exécutif, que ne ressentit pas le commandant du fort qui voyait s’amonceler l’orage et qui le sentait près d’éclater ! Il savait par quelques avis sûrs que les bataillons de chasseurs communiquaient secrètement avec les insurgés. D’autre part, quand, dans la journée du dimanche (19 mars), ces chasseurs s’aperçurent qu’ils avaient été laissés seuls au fort, leur agitation grandit d’une manière inquiétante ; aussi vers neuf heures du soir, le lieutenant-colonel de Lochner rassembla un rapide conseil dans lequel il décida, sous sa responsabilité et avec l’adhésion unanime des chefs de corps et des officiers, le renvoi des deux bataillons.

« Le commandant du fort prescrit, sous sa responsabilité, aux chefs de bataillon Pallach et Bayard, commandant les 2le et 23e bataillons, de faire partir avec des feuilles de route tous les hommes de leurs bataillons en mesure d’être libérés. Puis il ordonne à ces chefs de corps de se disposer à partir, le premier pour Évreux, l’autre pour Chartres, points auxquels ils trouveront de nouveaux ordres de route. » (19 mars, Journal militaire.)

À l’issue de ce conseil, M. Pelletier, officier de chasseurs, et deux autres émissaires furent envoyés à Versailles au général Vinoy pour l’informer des mesures prises et réclamer du secours. Au reçu de ces messages, le général Vinoy se rendit, vers une heure du matin, auprès de M. Thiers, parvint à pénétrer jusqu’à lui et obtint enfin l’envoi au Mont-Valérien de troupes sûres. Il prescrivit alors le départ immédiat, pour la forteresse, du 119e de ligne. Avis fut donné de cet ordre au colonel de Lochner.

« La nuit est difficile à passer, dit le Journal militaire. ― Un poste de vingt-huit chasseurs choisis veille à l’entrée du fort. Les poternes sont gardées chacune par un factionnaire. Une ronde incessante surveille ces derniers. Pas une poterne n’est fermée à clé ; toutes les serrures ont été brisées la veille. »