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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/393

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PIÈCES JUSTIFICATIVES.

pour les épreuves du prélat, j’exprimai au nonce non seulement ma bonne disposition, mais mon ardent désir de faire tout ce qui serait possible, tout ce que me permettrait ma position, pour obtenir son élargissement. Étant retourné à Paris ce jour-là assez tard, je pris le soir même des mesures pour me procurer une entrevue le lendemain matin avec le général Cluseret, alors ministre de la guerre de la Commune, afin d’examiner ce qui pourrait être fait. J’avais connu antérieurement Cluseret, qui a été général au service de notre pays pendant la rébellion, et qui a été naturalisé citoyen des États-Unis. Accompagné de mon secrétaire particulier, M. Mac Kean, j’allai le trouver au ministère de la guerre, à l’heure indiquée. Tout en exprimant beaucoup de sympathie pour l’archevêque et en déclarant qu’il regrettait son arrestation, il me dit franchement que l’exaspération des esprits était telle, que nul ne pourrait sans péril proposer de le relaxer. Je m’élevai contre ce qu’il y avait d’inhumain et de barbare à se saisir d’un homme comme l’archevêque sans qu’il fût accusé d’aucun crime, à le jeter en prison, à ne permettre aucun ami auprès de lui, et à le détenir comme otage. Je dis que, s’il n’était point possible de le relaxer, je devrais au moins être autorisé à le visiter dans la prison, à m’assurer de ses désirs et à pourvoir à ses besoins. Cluseret reconnut que ma demande était fondée en raison, et offrit d’aller avec moi en personne à la Préfecture de police pour voir Raoul Rigault et obtenir l’autorisation nécessaire de visiter l’archevêque à Mazas. Il était environ onze heures du matin quand nous arrivâmes à la Préfecture de police, et, escorté d’un dignitaire comme Cluseret, nous nous engageâmes dans le labyrinthe de cette vieille et affreuse geôle, dont toutes les issues et les salles étaient remplies de troupes de la garde nationale insurgée. Ayant demandé à voir Raoul Rigault, nous fûmes informés qu’il était encore au lit, et Cluseret alla le trouver, pendant que M. Mac Kean et moi nous attendîmes dans le salon doré du palais préfectoral. Il revient bientôt, rapportant une passe qui est par elle-même une curiosité, et dont voici la copie :

PRÉFECTURE DE POLICE. RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.

Cabinet du secrétariat général. Paris, 23 avril 1871.

Nous, membre de la Commune, délégué civil à la Préfecture de police, autorisons le citoyen Washburne, ministre des États-Unis, et son secrétaire, à communiquer avec le citoyen Darboy, archevêque de Paris.

Raoul Rigault.

(Timbre officiel.)

Pour profiter sans délai de ce permis, nous nous fîmes conduire immédiatement de la Préfecture à la prison de Mazas. Quoiqu’elle