Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
386
PIÈCES JUSTIFICATIVES.

NUMÉRO 9.

Lettre du surveillant Henrion.

Pantin, le 25 mai 1871.
Monsieur Brandreith,

Le 24 à six heures et demie du soir, il est arrivé un piquet de 40 hommes commandé par un officier ; je crois être le 106e bataillon ; ils venaient pour fusiller l’archevêque, les gendarmes et sergents de ville. Me voyant seul avec un de mes collègues pour aller chercher tous ces malheureux et les livrer à leurs bourreaux, j’ai profité de l’encombrement de la cour et du poste qui regardait par la grille, pour partir. À sept heures j’étais dehors l’enceinte ; j’ai pu remarquer que c’étaient tous des hommes de 20 à 25 ans avec le pantalon gris de fer à bande rouge ; il y en avait un en bourgeois ; le capitaine qui est arrivé un instant après, dit à ses hommes que c’était abominable que ce bataillon soit commandé deux fois pour cette corvée dans la même journée et que tout cela retomberait sur les officiers. Les gendarmes et sergents de ville étaient à la promenade. Ils sont arrivés ; je ne puis vous dire si l’exécution a eu lieu. Je n’aurais jamais pu remplir cette tâche que je me voyais tracée : conduire quatre ou cinq de mes camarades de régiment dans les mains des exécuteurs, sans les embrasser. D’après la réputation que j’avais devant le directeur et les greffiers, je me voyais perdu. Sitôt que M. le directeur Brandreith aura repris son poste, s’il veut avoir l’obligeance de m’écrire, je me rendrai à mon poste ; je resterai à Pantin en attendant.

Recevez, Monsieur le Directeur, mes sentiments les plus respectueux.

Signé : Henrion.

Mon adresse : Route des Petits-Ponts, no 17, à Pantin.

(Lettre timbrée Pantin, 25 mai 1871 ; arrivée à Versailles, timbrée 26 mai 1871. M. Brandreith était le directeur régulier du dépôt des condamnés.)