Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/42

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l’Assemblée nationale, élue « dans un jour de malheur », fut réunie à Bordeaux, l’antagonisme éclata ; Paris fut plein de défiance pour l’Assemblée, qui le lui rendait bien. L’opinion du Paris révolutionnaire fut exprimée, à la première séance parlementaire, lorsque Gaston Crémieux s’écria : « Assemblée de ruraux, honte de la France ! » Paris, fier de son titre de capitale, de ses gloires, de son renom, de sa richesse, a toujours eu la prétention de diriger les destinées de la France ; il se considère comme souverain et se trouve déchu lorsqu’il ne peut exercer la souveraineté. L’Assemblée, libre expression de la volonté nationale, représentait légalement l’autorité et n’était point disposée à partager celle-ci avec la ville usurpatrice. On pouvait être certain d’avance que la majorité parlementaire ne tiendrait aucun compte de l’état morbide de Paris ; qu’elle voudrait être obéie, comme c’était son droit ; qu’elle frapperait fort, sans trop s’inquiéter de frapper juste, et qu’elle ne reculerait pas devant telles mesures qui pourraient amener un conflit.

Ce conflit était attendu avec impatience par les chefs d’insurrection restes à Paris ou accourus de province pour utiliser, au profit de leurs rêveries, la plus nombreuse force armée que jamais minorité factieuse ait eue à ses ordres. Des la chute de l’Empire, cette minorité avait essaye de s’emparer de la garde nationale pour la faire servir à ses projets. À ces gens la guerre n’avait paru qu’un prétexte à violation du pouvoir. « Juillet 1870, dit M. Lissagaray[1], surprit le parti révolutionnaire dans sa période chaotique, empêtre des fruits secs de la bourgeoisie, de conspirailleurs et de vieilles goules romantiques[2]. » La révo-

  1. Histoire de la Commune, Bruxelles, 1876, p. 17.
  2. À propos du 4 septembre, M. Arthur Arnould dit (loc. cit.) : « Depuis six semaines, le parti républicain socialiste attendait, espérit, un mouvement. Nous faisions tous nos efforts pour le provoquer ; mais la population, tenue en bride par les députés de la gauche qui se plaçaient comme un tampon entre le peuple et l’Empire, énervée par vingt années de despotisme et de corruption savante, semblait avoir perdu la foi dans ses propres forces et jusqu’au sentiment de sa toute-puissance. »