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PIÈCES JUSTIFICATIVES.

pour nous. Nous devons notre salut au courage de tous les otages qui s’est produit instantanément. »

Dès que les troupes régulières se furent emparées de la Grande-Roquette, une dépêche fut adressée au maréchal Mac-Mahon, commandant en chef de l’armée française. Cette dépêche, qui donnait le premier avis officiel de la mort des otages, fut immédiatement transmise à M. Thiers ; voici ce que j’y lis :

« Dans la journée de samedi, les prisonniers restants allaient être fusillés, lorsque, à l’instigation du gardien Pinet, de l’ancien personnel conservé par la Commune, ils se sont révoltés et retirés dans une portion de la prison où ils se sont barricadés, et où les insurgés ont cherché à les brûler vifs. Les matelas qui étaient en laine et leur servaient de défense n’ont pas bien brûlé ; et cent soldats qui étaient restés entre les mains de la Commune quand la caserne du Prince-Eugène a été envahie, ont formé parmi eux le noyau de résistance le plus solide. À cinq heures du soir, samedi, la Commune, prise définitivement de panique, s’est enfuie, en emportant la caisse et se dirigeant sur la mairie du XXe arrondissement. Elle se trouverait encore à Belleville. En résumé, il reste encore en ce moment à la prison : 1° cent militaires sortant des hôpitaux, etc., qui ont refusé de participer aux prises d’armes décrétées par la Commune ; 2° quinze ecclésiastiques ; 3° cinquante-quatre sergents de ville. Le directeur de la prison nommé par la Commune était un sieur François, demeurant rue de Charonne, 20. Il s’est enfui hier avec la Commune. (Il avait été l’instigateur du complot contre les pompiers de la Villette. ― Affaire Eudes.) ― P. C. C. Le général de division, chef d’état-major général, Borel. »

Les détails contenus dans cette dépêche, et recueillis à la Grande-Roquette même, prouvent qu’elle a été expédiée entre le moment où les troupes sont entrées dans la prison et celui où les otages l’ont définitivement quittée, c’est-à-dire entre cinq et sept heures du matin, et qu’elle a été rédigée d’après les renseignements fournis par les témoins des faits qu’elle relate.

Je suis, pour ma part, fort désintéressé dans la question ; je n’ai été ni surveillant, ni otage à la Grande-Roquette. Je n’ai recherché que la vérité, j’avais cru l’avoir mise en lumière ; M. Amodru fait effort pour me prouver que je suis dans l’erreur, et se refuse à « tolérer » ma version, malgré les témoignages auxquels je l’ai empruntée. Je n’insisterai pas et j’accorderai, si l’on veut, que Pinet n’a pénétré dans la troisième section que lorsque déjà les détenus de celle-ci avaient construit leur barricade ; car le fait en lui-même, je le répète, me paraît insignifiant. M. l’abbé Amodru dit que c’est là le fait capital, et après lui MM. Cuénot, Rougé, Arnoux et deux et cætera l’affirment spontanément. Mon très humble avis est que M. l’abbé Amodru attribue à l’initiative de la résistance une importance qu’elle n’a pas. Il se produisit un fait capital qui, plus que