Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/48

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gné ; insulte, frappe au visage, il prit la fuite et parvint à se réfugier dans un débit de tabac de la rue Saint-Antoine ; il en fut arraché par des soldats réguliers appartenant aux 21e et 23e bataillons de chasseurs à pied, bataillons formés pendant le siège à l’aide d’éléments militaires fort douteux ramasses dans Paris. Vincenzini fut traîné jusqu’au poste, où l’officier le fit mettre en lieu sûr et ordonna de fermer les grilles. La foule se rua sur le poste, dont le chef tint bon et refusa d’abandonner son prisonnier. Celui-ci fut héroïque il dit au chef du poste : « Vous vous feriez massacrer inutilement vous et vos hommes, » et, ouvrant lui-même la grille, il se livra a la populace.

Pendant deux heures, il fut promené autour du piédestal de la colonne, et si cruellement frappé qu’il fut bientôt méconnaissable. On essaya de le pendre, et l’on n’y parvint pas. On lui lia les pieds et les mains, et on le jeta à l’eau. C’était un homme énergique ; « il fallait, a dit un témoin, qu’il eût la force et le courage d’un lion pour être encore capable d’un effort après tout ce qu’on lui avait fait souffrir. » Il réussit à se dégager de ses liens et nagea pour gagner la Seine, car il avait été précipité dans le Courant sur les deux berges, la foule l’accablait de pierres et de briques prises dans un bateau amarré au quai ; le pilote d’un bateau-mouche lui lança une bouée qu’il ne put atteindre ; il était affaibli et ne réussit pas à saisir les pieux de l’estacade ; il était prés du bord, un homme lui ouvrit la tête d’un coup de gaffe, un autre lui jeta une brique en plein visage ; le malheureux n’avait plus que des gestes inconscients, il flottait plutôt qu’il ne nageait; poussé par le courant, il s’enfonça sous les barques garées a la pointe de l’ile Saint-Louis et ne reparut plus.

On lui avait arraché sa redingote, dans la poche de