Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/79

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je confie à l’avenir le soin de ma mémoire et de ma vengeance ! »

On ne peut dire que Raoul Rigault et Ferré furent les hommes de la Commune ; celle-ci n’eut point d’hommes, elle n’eut que des spectres, des fantômes perdus dans les ombres du passé, que le besoin d’imitation poussa aux violences, et qui ne surent formuler aucune idée. Mais ils en furent l’expression ; ils en représentent la sottise, la grossièreté, la vanité, la cruauté, l’ignorance et la débauche ; ces deux cabotins de la terreur firent un mal incalculable en excitant le troupeau des rêveurs aux mesures excessives. En révolution, il s’agit de crier le plus fort pour être le mieux écouté. « On a vu dans les clubs, dit Stendhal, pendant la Révolution, que toute société qui a peur est a son insu dominée et conduite par ceux de ses membres qui ont le moins de lumières et le plus de folie. » L’histoire de la Commune donne à cette vérité une force nouvelle. Sans excuser en rien l’insurrection du 18 mars et le gouvernement qui en est issu, on peut dire cependant que celui-ci comptait certains hommes sans fiel ni méchanceté ; ils sont restés impuissants. Ils n’ont pas accepté, ils ont subi les motions sanguinaires, mais il leur a été impossible de les faire repousser, et ils ont fini par obéir aux énergumènes qui rêvaient l’échafaud en permanence et la fusillade continue.

Comme au temps du despotisme jacobin, le modérantisme était un crime, et sous peine grave il fallait hurler avec les loups, hurler plus fort, afin de n’être pas dévoré par eux. La tourbe des officiers fédérés était certes prête à tous les méfaits ; les massacres lui ont semblé justes, et les incendies ne lui ont pas déplu : mais ces malheurs auraient pu être évités si les membres de la Commune n’avaient été entraînés