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LE DÉPÔT.

qu’il ne comprit rien de ce qu’on lui disait. M. Coré s’adressa alors au « général » Duval, qui demanda à réfléchir, déclara qu’il avait besoin de s’entendre avec Jollivet et qu’il ferait connaître sa décision.

Une heure après, M. Coré est mandé au cabinet du préfet ; il n’y rencontre ni Jollivet ni Duval, et se trouve en présence de Raoul Rigault, qui vient d’entrer en fonctions. M. Coré fit valoir ses raisons ; Rigault l’écouta et lui dit : « Vous êtes destitué. » — M. Coré riposta que, nommé par arrêté ministériel, il ne pouvait être révoqué qu’en vertu d’un ordre émanant du ministre de l’intérieur. Rigault répondit : « Nous allons simplifier ces formalités. » Il écrivit quelques mots sur une feuille de papier, remit celle-ci à un homme placé près de lui, lequel appela deux fédérés de service à l’antichambre, escorta lui-même M. Coré jusqu’au Dépôt et le fit écrouer au secret dans la cellule n° 182. Le personnage qui venait d’emprisonner le directeur régulier était le nouveau directeur, Garreau, ouvrier serrurier, âgé de vingt-quatre ans, connaissant les prisons pour y avoir séjourné, un peu malgré lui, pendant quatre années. C’était un homme menaçant et sobre, qui ne fut doux ni aux surveillants, ni aux détenus, ni aux otages. M. Coré était prisonnier, mais il avait rendu un service important au personnel du Dépôt, car Raoul Rigault, tenant compte de ses observations, prescrivit la retraite de la compagnie fédérée qui avait reçu de Jollivet mandat de s’emparer de la prison et d’en faire la police.

Le premier otage et le premier des otages fut amené le lendemain. Jusque-là on avait pu croire que les gendarmes, les gardes républicains, les anciens sergents de ville arrêtés étaient considérés comme prisonniers de guerre et qu’on ne les retenait sous les verrous que pour les empêcher d’aller rejoindre le