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LE DÉPÔT.

neste, non certes dans l’intérêt de ma sécurité personnelle dont je ferais bon marché, mais pour celle d’environ deux cents gendarmes, sergents de ville, commissaires de police et autres fonctionnaires, en ce moment détenus au Dépôt seulement, dont la sûreté pourrait être compromise par la désertion en masse de l’ancien personnel, composé, vous le savez, d’hommes choisis parmi les meilleurs sujets de l’armée et qui comprennent mieux que ne le feraient peut-être ceux qui les remplaceraient qu’à côté du devoir d’empêcher les prisonniers de sortir, il y a pour eux le devoir plus sacré encore de les protéger contre toute violence illégale. Il me semble impossible que personne à Versailles ait pu avoir la pensée d’exposer les détenus à un aléa si terrible. Veuillez, je vous prie, mon cher procureur général, donner connaissance à qui de droit, notamment à MM. Dufaure, Picard, Leblond, de cette note écrite à la hâte, après avoir toutefois entendu les observations que vous soumettra le porteur, qui connaît beaucoup mieux que moi tout ce qui intéresse le service des prisons. Votre ami et collègue, Bonjean. »

Le porteur était M. Kahn, commis greffier au Dépôt, qui prit cette note sans enveloppe, la dissimula sous la coiffe de son chapeau et partit pour Versailles, où il arriva la veille du jour où l’on devait faire les obsèques de M. Fabre. Il s’adressa alors à son chef hiérarchique, M. Lecour, chef de la première division de la Préfecture de police, qui fit immédiatement expédier aux employés de toutes les prisons de la Seine l’ordre de tenir bon à leur poste et de veiller à la sécurité des personnes incarcérées sur mandats illégaux. Ce fut cette mesure, sollicitée par M. Bonjean, adoptée par M. Lecour, qui assura plus tard le salut d’un grand nombre d’otages, parmi lesquels malheureusement ne se trouvait plus l’homme éminent qui l’avait provoquée.