Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/228

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ce qui, en bonne hygiène, est singulièrement prématuré. En pénétrant dans cette pièce, on est saisi à la gorge par une insupportable odeur de beurre aigri mêlé à des émanations ammoniacales d’une nature particulière. Les enfants, tout petits et morveux, couverts d’un sarrau de toile bleuâtre, sont assis sur un banc et appuyés contre la muraille. On comprend vite, à les voir, qu’ils vivent déjà sous l’empire d’une certaine discipline. Ils ont de pauvres mines boudeuses, et ils m’ont paru beaucoup trop tranquilles. On a eu beau accrocher à une porte d’armoire un immense polichinelle, ils ne le regardent guère et sourient à peine quand on tire la ficelle qui agite le fantoche. Ils s’ennuient, cela est visible. L’enfant, qui est la vie nerveuse par excellence, qui a le geste irréfléchi, le mouvement instinctif, pâtit promptement, diminue et s’étiole lorsqu’il est immobile. Les bonnes nourrices le savent bien ; celles de Normandie disent : Il faut sauter les enfants ; il faut les mouver, disent les Bourguignonnes. Ceux auxquels manque cette gymnastique artificielle, qu’on ne fait point danser sur les bras, qui n’ont jamais vu la « risette » maternelle, qui n’ont point entendu les berceuses naïves et lentes qui les calment et les endorment, qui n’ont pu se rouler à l’aise sur l’herbe des jardins ou sur le parquet des chambres, qui sont maintenus dans un repos anormal, ceux-là tombent en mélancolie, se fanent et meurent bien souvent.

On cherche un nom scientifique, une cause secrète, peut-être héréditaire, à la maladie qui les a emportés ; il est inutile de se donner tant de peine : ils sont morts tout simplement d’inaction. Or cette activité permanente qui développe les forces de l’enfant, qui lui procure un bon sommeil, qui, en un mot, lui donne la vie, est-elle possible à l’hospice de la rue d’Enfer ? Non. Le personnel est insuffisant. Il n’a rien de commun, je me