Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/24

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comme tel, était chargé de la grande police, veut de nouveau débarrasser la France entière des mendiants et les expédier dans nos colonies. Il faut croire qu’en ce temps-là on n’était déjà point trop savant en géographie, car les auteurs de mémoires ne s’entendent guère : ils parlent des Indes françaises, du Canada, de la Nouvelle-France et même de l’Ile de Tabago, qui ne nous appartenait pas, sans trop savoir où sont situés ces pays d’outre-mer. Des exempts déguisés enlevaient les mendiants, surtout les plus valides, les plus jeunes ; les malades étaient traités à l’hôpital général ; puis on faisait partir les convois pour les ports d’embarquement. Quelques servantes rôdant la nuit furent appréhendées et disparurent ; des fils d’artisans eurent le même sort. Paris, si prompt à s’effrayer, si crédule, si facile à accepter les bourdes les plus invraisemblables, fut pris d’épouvante. On se racontait, tout bas d’abord, puis sans contrainte, que Louis XV, dévoré par la lèpre, ne recouvrait la santé qu’en prenant chaque matin un bain de sang humain, et que les enfants enlevés étaient saignés jusqu’à mort au profit du royal malade. Les choses allèrent loin, jusqu’à l’émeute ; le vendredi 22 mai 1750, il y eut du tapage à Saint-Jean-de-Latran, à la porte Saint-Denis, à la Croix-Rouge : on tua des archers ; le 25, on commença à la butte Saint-Roch : un exempt fut mis en pièces et la vie de Berrier, lieutenant général de police, fut plus d’une fois menacée ; des charges de cavalerie dégagèrent les rues. La leçon profita, et, tout absolu qu’il était, le gouvernement renonça à son projet, qui était d’envoyer les jeunes mendiants dans la Louisiane, pour y travailler aux magnaneries qu’on tentait d’y établir[1]. C’est en 1764 que de nouveau on s’occupe des mendiants : tout individu qui sera sur-

  1. Voir Journal de Barbier, novembre 1749, mai 1750 ; Journal historique de Collé, décembre 1749 et passim.