Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/297

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mœurs aura fait comprendre l’inanité de ces rêveries cruelles, on se contentera de l’enchaîner comme un fauve dangereux, et il faudra que l’humanité attende onze siècles avant que Philippe Pinel, — le grand Pinel, — vienne affirmer avec audace contre tous, par une expérience publique, la sagesse des principes posés par Arétée de Cappadoce et par Paul d’Égine.

Le moyen âge fut une époque d’effondrement : tout disparaît dans le gouffre sans fond de la scolastique et de la démonologie ; la médecine n’est plus qu’une série de pratiques superstitieuses ; telle plante est bienfaisante si elle est cueillie à la lune nouvelle, et sera mortelle si elle est cueillie à son déclin ; c’est le règne de la sorcière ; la vieille Hécate, dont le culte dans certaines contrées durera jusqu’aux premiers jours de la Renaissance, gouverne le monde. La science, l’art, la littérature, ont sombré dans ce grand naufrage ; il n’y a plus que guerres, batailles, pestes et famines ; on doute d’un Dieu que l’on invoque en vain, et l’on se donne au diable. C’est le temps de la faim universelle ; quand les pauvres possédés racontent avec emphase et terreur les ridicules cérémonies des sabbats auxquels ils croient avoir assisté, de quoi parlent-ils d’abord ? des impuretés sataniques ? Non ; du repas, de ces lugubres agapes où l’on déterrait les morts pour les manger. Le sabbat est relativement moderne : il en est question pour la première fois en 1553 ; le pacte infernal, le don de soi-même à la puissance malfaisante par excellence est plus ancien : on en connaît un de 1222.

La croyance au diable était générale ; on y eût cru à moins, le monde était un enfer. Or la science dit et l’expérience prouve que les idées ambiantes sont saisies par les aliénés avec une rapidité extraordinaire et un ensemble en quelque sorte épidémique. Nous l’avons vu de nos jours : selon que la France est gouvernée par un