Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/317

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ter les religieuses, et on le brûla en grande cérémonie. L’église et la justice rivalisèrent de zèle et de sottise, mais on ne guérit personne. La pauvre Madeleine, jetée dans un cul de basse fosse, comme bouc émissaire de tous les péchés de la communauté, essaya de se tuer, et, quatre heures durant, se tourna et se retourna dans le ventre un long clou qu’elle y avait enfoncé. À cela seul, en dehors de toute autre preuve, on peut la reconnaître pour une malade frappée d’hystéro-mélancolie. En effet, dans cet horrible mal, — le plus horrible qui existe, — l’amour de la mort est abstrait ; il est parce qu’il est. Tous moyens sont bons pour mourir : les malades déjouent toute surveillance à force d’astuce, de persistance, de volonté, et il est rare qu’elles n’arrivent pas à mettre leur projet à exécution. Si on les interrompt au milieu d’une tentative de suicide, si on les retire de l’eau, si on coupe la corde dont elles s’étranglent, si on les arrache de dessous les roues d’une voiture, on ne trouve pas une pulsation de plus à leurs artères, pas un frémissement, pas l’apparence d’une émotion ; elles restent impassibles ; elles ne témoignent rien que la contrariété d’avoir été sauvées et le désespoir de vivre encore. Une mélancolique, aujourd’hui guérie et qui avait trouvé moyen de s’ouvrir la gorge à l’aide d’un couteau qu’elle avait volé, me disait : « J’eus alors l’ineffable volupté de me couper le cou et de voir couler mon sang. »

Pour les hommes qui, dans les siècles passés, avaient à s’occuper de ces tristes affaires, les tentatives de suicide, loin de les éclairer sur l’état intellectuel des prétendues possédées, étaient la confirmation de leurs idées erronées. Selon eux, Madeleine Bavent avait plusieurs fois cherché à se tuer, non point parce qu’elle voulait se débarrasser d’un mal insupportable, mais parce qu’elle était harcelée par le remords de s’être donnée au dia-