Aller au contenu

Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

geait jusqu’à blanc, et les malades ne s’en trouvaient pas mieux.

Le grand révolutionnaire en l’espèce, celui dont les travaux devaient avoir une influence si féconde sur la thérapeutique, fut Baglivi, qui créa réellement la physiologie expérimentale. Mort à trente-huit ans, en 1707, il avait eu le temps de formuler sa théorie du solidisme, qui renversait l’humorisme, car il établit que les parties solides du corps sont la cause morbifique et que les fluides ne sont atteints que secondairement. Les œuvres de Baglivi étaient peu connues en France ; ce fut un jeune médecin, nommé Philippe Pinel, qui en donna une édition complète en 1788[1]. Le traducteur fut un réformateur, au sens absolu du mot, et c’est à lui que les aliénés doivent de ne plus être traités comme des bêtes féroces. C’était un homme d’une sagacité incomparable, observateur profond, très-persistant dans sa volonté, timide jusqu’à la gêne, jusqu’à la maladresse, dévoré de l’amour de l’humanité et très-courageux au besoin, ainsi qu’il le prouva pendant la Terreur, en cachant des proscrits à Bicêtre et en faisant tous ses efforts pour sauver Condorcet ; c’était une âme sensible dans la grande acception du terme si sottement prodigué à cette époque. En 1791, il publia son Traité médicophilosophique de l’aliénation mentale, et, à la fin de 1792, par l’influence de Cousin, de Thouret et de Cabanis, il était nommé médecin en chef de Bicêtre.

Ce qu’était Bicêtre à cette époque, je l’ai déjà dit ; d’un seul mot, c’était un cloaque. Les aliénés, comme

    menclature pathologique ; c’est ainsi, pour ne parler que des maladies mentales, que le mot mélancolie n’a réellement aucun rapport avec l’affection nerveuse à laquelle il se rapporte ; car le μἐλας χὀλος, — la noire bile, — n’y est pour rien.

  1. G. Baglivi Opera omnia medica, practica et anatomica, novam editionem mendis innumeris expurgatam, notis illuslravit et præfatus est Ph. Pinel. Paris, 1788. 2 vol. in-8o.