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que l’on essayait de tenter en sa faveur ? Rien, dans les pièces qui ont passé sous mes yeux, ne le fait supposer ; mais il serait imprudent d’affirmer qu’il était resté en dehors de l’action de ses partisans. Il n’eut pas, du reste, à se préoccuper longtemps de la possibilité de son retour en France et de sa rentrée aux Tuileries, la mort l’accompagnait et n’allait pas tarder à le toucher. Il mourut à Schœnbrunn le 22 juillet 1832, âgé d’un peu plus de vingt et un ans. Quelle maladie l’arracha si promptement à ses destinées : une phtisie laryngée, une hépatite, un affaiblissement général produit par des excès de femmes, une fluxion de poitrine, on ne le sait trop, bien des causes furent indiquées, bien des doutes furent soulevés.

Au mois de novembre 1876, j’étais en déplacement de chasse à Offenbourg, dans le grand-duché de Bade ; parmi les chasseurs se trouvait le comte Blücher, petit-fils du feld-maréchal, chef d’escadron d’état-major, ministre plénipotentiaire ayant traversé des postes diplomatiques à Constantinople, à Vienne, à Londres, à Paris, grand ami de l’impératrice Augusta[1], adversaire du prince de Bismarck et catholique exalté ; outre lui, il y avait là le prince Pierre Wittgenstein, attaché militaire à la légation russe de Paris ; le comte Chreptowitch, gendre de Nesselrode[2] et grand maître des cérémonies de l’empereur de Russie ; le comte Guillaume de Pourtalès, l’homme le plus aimable que j’aie connu ; le prince Nicolas Gagarine, qui allait devenir le beau-père du général Skobeleff[3] ; le prince Menchikoff, fils de celui que nous avons battu à l’Alma ; dans la journée, nous chassions en traque sous la direction du baron de Bussière[4] ; le soir, nous dînions ensemble à l’hôtel de la Fortuna, où nous habitions, et parfois, lorsque nous n’étions pas trop fatigués, nous restions à causer en fumant.

Un soir, la conversation s’était engagée sur la famille

  1. Épouse de Guillaume Ier, empereur d’Allemagne.
  2. Nesselrode (comte de), 1780-1862. Diplomate russe issu d’une famille de la noblesse allemande ; dirigea la politique extérieure de la Russie sous les règnes de Nicolas Ier et d’Alexandre II.
  3. Skobeleff (Michel-Dimitrievitch), 1843-1882. Général russe que ses brillantes qualités militaires avaient rendu très populaire, surnommé le général blanc.
  4. Bussière (Alfred Renouard, baron de), 1804-1887. Banquier et homme politique, député sous la monarchie de Juillet, membre du Corps législatif de 1852 à 1870, directeur de la Monnaie de 1870 à 1880. (N. d. É.)