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CHAPITRE PREMIER

LE LENDEMAIN DE LA DÉCHÉANCE



LE PASSEPORT. — CONVERSATION AVEC NIGRA. — LE CHEF DE LA PREMIÈRE DIVISION DE LA PRÉFECTURE DE POLICE. — LA PRÉFECTURE. — LA FORTERESSE DE KÉRATRY. — LES DOSSIERS À CLASSER SOUSTRAITS À LA CURIOSITÉ DES NOUVEAUX VENUS. — BERRIAT SAINT-PRIX. — « ADIEU, JE VAIS MOURIR ! » — LES MOUSTACHES DE PIÉTRI. — À LA GARE DU CHEMIN DE FER DE LYON. — DEUX AGENTS DE LA SÛRETÉ. — EN SENTINELLE. — DÉPART. — « AUTRES TEMPS, AUTRES MŒURS. » — GENÈVE. — CLÉMENT DUVERNOIS. — LA POSSESSION. — LES FAUX BRUITS. — UN ESPION. — LE MARÉCHAL VAILLANT. — ROCHEFORT ET VILLEMOT. — ON VOUDRAIT TRAITER. — PAS UN DIPLOMATE DANS LE GOUVERNEMENT. — IGNORANCE DE L’ÉTAT DE L’EUROPE. — LE 4 SEPTEMBRE MET À NÉANT L’INTERVENTION DES NEUTRES. — L’ITALIE ARME ET VA PRENDRE ROME. — LE SOUVERAIN TEMPOREL ANNIHILE LE SOUVERAIN SPIRITUEL. — CE QUE PIE IX AURAIT DÛ FAIRE.



PIÉTRI s’étant réfugié chez moi, j’avais à pourvoir à son salut, car je savais que son successeur de la veille, le comte de Kératry, avait donné ordre de le rechercher et de le mettre en arrestation. Le lundi 5 septembre, j’allai donc, dans la matinée, voir Nigra, à l’ambassade d’Italie. Je lui parlai d’abord de l’Impératrice ; il m’assura que tout risque de danger avait disparu et qu’elle était déjà en Belgique, où elle avait trouvé bon accueil auprès du roi. J’ai dit plus haut ce qu’il en fallait penser. Je lui demandai un passeport pour Piétri, il me l’accorda avec empressement ; il fallait indiquer un nom et des prénoms correspondant à ceux que portait Piétri, afin qu’ils concordassent avec la marque du linge, J. M. P. Le passeport fut donc libellé pour Jacopo Marco Polloni, courrier de cabinet, chargé de dépêches pour le président de la République helvétique. Une brochure fut mise sous enveloppe et scellée du cachet de l’ambassade ; de cette façon, Piétri était muni des pièces d’identité fausses, mais nécessaires pour quitter la France et pénétrer en Suisse sans encombre.