y sommes entrés au mépris de notre propre engagement, d’un engagement d’honneur. Nous avons saisi le moment où la France, avec laquelle nous avions signé un contrat solennel, était vaincue, où l’Europe était absorbée par la guerre terrible qui se déroulait sous ses yeux. Nous avons surpris le vieillard avec des forces formidables. Croyez-vous que nous nous plaisions à Rome ? Le roi lui-même subit avec peine l’obligation d’y habiter. Du Quirinal, de son palais excommunié, il n’aime point à regarder du côté du Vatican. La présence de ce vieux prêtre vêtu de blanc, qui parle encore urbi et orbi, lui est insupportable. »
L’homme qui me parlait ainsi avait raison. Les vœux que la nation française avait faits en faveur de l’unité italienne ont été accomplis par le subterfuge et la violence. Rien n’a manqué à notre humiliation. Une armée a chassé le vieillard inoffensif que nous avions protégé. L’Italie nous a crus si bien morts qu’elle nous a donné son coup de pied, pendant que l’ambassadeur de Prusse auprès du Saint-Siège invoquait l’Évangile, parlait du Dieu de paix et faisait effort pour engager le pape à céder la place sans résistance. Ce fut honteux.
Pie IX donna ordre au commandant de ses gardes suisses, qui, je crois, était le général Schmidt, d’ouvrir les portes aux troupes de Victor-Emmanuel, dès qu’un boulet aurait touché les murailles. J’en suis fâché, mais j’estime que le vieillard des sept collines a eu tort. En cette décision, dans l’histoire de l’Église, il a oublié qu’il était pape. Il s’est conduit comme un principicule et non point comme le chef de la chrétienté, comme le successeur de celui à qui Jésus a dit : « Pais mes brebis » et à qui, dans le jardin même, il devait dire : « Pierre, remets ton glaive au fourreau. » Le gonfalonier de la République de Saint-Marin n’eût pas défendu son hameau d’une autre façon. Cela fut puéril, n’empêcha rien, ne sauvegarda rien et fit sourire.
Le souverain temporel oublia trop le souverain spirituel. Il aurait dû, couvert de ses vêtements pontificaux, la triple tiare au front, monté sur la sedia gestatoria, suivi de ses flabellifères, escorté de ses cardinaux, de ses archevêques, de ses gardes-nobles, de ses abbés et de ses prieurs, aller au-devant de l’armée italienne et lui donner sa bénédiction. L’armée italienne serait tombée à ses genoux, peut-être à plat ventre, et le pape serait rentré à Rome, dans sa Rome à