on verrait alors se reproduire une dépréciation analogue à celle qui avait frappé les assignats, lorsque le louis de vingt-quatre livres était échangé contre 8 000 francs en papier-monnaie. Argument auquel Gambetta n’avait point pensé et devant lequel il dut s’incliner d’autant plus bas que Cuvier resta inflexible et repoussa tous les compromis qui lui furent suggérés.
Gambetta était fort mécontent de sa déconvenue et ne le cachait pas. C’est alors que Cuvier lui dit : « Faites un emprunt à l’étranger ; le crédit de la France est intact et ses ressources sont une garantie dont tout banquier se contentera. Une tentative de ce genre serait certainement bien accueillie en Angleterre ; expédiez-y un homme de confiance et croyez au succès. » Gambetta avait auprès de lui, à Tours, un avocat de ses amis, nommé Clément Laurier, garçon d’esprit, très sceptique, ambitieux à ses heures, aimant ses aises et lié d’affection avec le dictateur, ce qui ne l’empêchait point de s’en moquer et d’en raconter toute sorte de turlupinades. Gambetta répondit immédiatement aux conseils de Cuvier : « Vous avez raison ; je vais envoyer Clément Laurier à Londres ; il est « débrouillard » et se tirera bien d’affaire. » Cuvier approuva et se contenta de dire : « Il serait peut-être prudent de lui adjoindre un homme du métier » ; et il proposa le comte Adrien de Germiny, receveur général dans le département de la Seine-Inférieure et, je crois, l’un des régents de la Banque de France. Gambetta s’était saisi du projet qui devenait le sien ; il voulut le mettre sans délai à exécution ; dès le 16 octobre, Clément Laurier et Adrien de Germiny, munis des pouvoirs nécessaires pour contracter un emprunt de deux cent cinquante millions — qui fut l’emprunt Morgan — partirent pour Londres.
On tomba rapidement d’accord, car la France, quoique envahie et en révolution, offrait une solidité de premier ordre ; mais des négociations de détail suivirent qui traînèrent en longueur, de sorte que les deux mandataires de Gambetta durent prolonger leur séjour à Londres. Ils rencontraient souvent un des gros financiers de Paris, très connu dans le monde des affaires et du sport, que l’on nommait Edmond Archdeacon, qui les avait puissamment aidés de ses conseils et de sa souscription très considérable, dans la conclusion du traité d’emprunt. Archdeacon, que