Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/82

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Trochu. Elle lui avait demandé, me dit-elle, de concentrer tous ses efforts sur un seul point, qui était le salut du Corps législatif ; quant à elle, son sacrifice était fait et elle ne réclamait rien que le droit d’user de l’influence qu’elle pouvait conserver encore, pour intéresser les souverains étrangers à la cause de la France. Trochu récrimina, parla de nouveau de l’incapacité du maréchal Mac-Mahon, se plaignit du peu de confiance que l’Impératrice lui avait témoigné, à lui, gouverneur de Paris, ne dissimula pas que la journée serait périlleuse et affirma cependant que rien n’était désespéré. À la question posée nettement par l’Impératrice : « Si l’on tente d’envahir le Corps législatif, que ferez-vous ? » il répondit en accusant Palikao d’avoir donné des ordres, sans même le consulter. La question fut répétée avec quelque signe d’impatience ; cette fois il répondit : « Je ferai de mon mieux. »

C’est dans ce dernier Conseil que fut discutée et rejetée la proposition de Jules Brame qui, tout en faisant des concessions très importantes à l’opinion publique, maintenait l’existence du Corps législatif. L’ambition de Palikao s’était éveillée ; sans doute, il s’était dit que, puisque ses fonctions de ministre de la Guerre lui donnaient la haute main sur les opérations militaires, il était juste qu’il fût mis en situation d’exercer le pouvoir ; il crut peut-être à sa popularité ; il s’imagina que la Chambre, reculant devant sa propre responsabilité, acclamerait l’homme qui l’en débarrasserait. Cet homme ne pouvait être que lui. Il était prêt à se sacrifier, disait-il, et à exercer l’autorité sous le titre de : lieutenant général du comité de défense.

On était si particulièrement las, tellement indécis, tellement harassé d’avoir été ballotté de projets en projets, sans pouvoir en adopter un seul qui offrît la moindre chance de sortir du cauchemar où l’on agonisait, que Palikao fut autorisé, tacitement du moins, à présenter cette proposition au Corps législatif. C’était insensé, c’était s’aliéner les partisans que l’on pouvait avoir encore, c’était soulever les hostilités de l’Assemblée et se faire rejeter par elle : une heure après, on s’en aperçut. L’Impératrice et les ministres auraient pu, auraient dû, en se quittant, se dire un éternel adieu.

Le palais du Corps législatif n’était point protégé et ne pouvait pas l’être. Tout ce que l’on avait de troupes valides était aux environs des champs de bataille ; à Paris, sauf un