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THÉOPHILE GAUTIER.

où les gargouilles, les mâchicoulis, les échauguettes en queue d’aronde étaient fort à la mode depuis la publication de Notre-Dame de Paris. Il lui suffit d’un mot pour indiquer un style et une époque ; il passe et ne s’attarde pas à décrire les arcs-doubleaux composés d’un faisceau de tores séparés par des gorges, ainsi que n’eût pas manqué de le faire un néophyte ayant un dictionnaire d’architecture à sa disposition.

Tout ce qui peut distraire son attention et le détourner du panorama déroulé sous ses yeux, lui est importun ; il est venu pour voir l’Espagne chevaleresque, l’Espagne du comte Julien, de don Gayféros, du Gid Campeador, de ce pauvre Abou-Abdallah-ibn-Mulei-Haçan que nous appelons Boabdil ; c’est là son but ; en vérité, il n’en cherche pas d’autre. L’occasion était belle cependant de parler du prince Godoy, du roi Joseph, de Ferdinand VII ; il ne prononce même pas leur nom ; c’est à peine si, en allant de Madrid à Grenade, il fait une allusion à la capitulation de Baylen. Quant à la politique dont l’Espagne est toute frémissante encore, quant à cette guerre civile qui vient de désoler la péninsule, inquiéter l’Europe et mettre la diplomatie aux abois, pas une parole ; et cependant Théophile Gautier est un des premiers voyageurs qui aient osé parcourir ce pays où les bandes récemment licenciées brigandaient volontiers au long des routes. Lorsque je dis qu’il n’en souffle mot, je me trompe ; il en parle : racontant une course de taureaux à Malaga, il dit : « Dans les temps