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THÉOPHILE GAUTIER.

preuves en main. Il vaut mieux avoir fait une chanson à boire que d’avoir tué tous les taureaux d’Espagne.

Ô Gautier, mon vieil ami, si Montés n’est pas encore tout à fait inconnu, c’est peut-être parce que tu en as parlé. Alfred de Vigny a été bien inspiré et a noblement revendiqué son droit lorsque, après avoir compté ses aïeux, ouvert leurs parchemins, visité leurs tombes, il s’est écrié :

C’est en vain que d’eux tous le sang m’a fait descendre ;
Si j’écris leur histoire, ils descendront de moi.


Accordons à Montés ce qui appartient à Montés : le courage et un applaudissement ; gardons au poète ce qui appartient au poète : l’inspiration, la grandeur de l’esprit et la durable renommée.

Pendant les six mois que Théophile Gautier passa en Espagne, il y fut heureux ou tout au moins satisfait, quoique la civilisation moderne y fût quelquefois plus avancée qu’il n’aurait voulu. À cet égard il semble un peu injuste, car il ne lui fallut pas moins de quatre jours et demi pour franchir les trente lieues qui séparent Malaga de Cordoue ; en cette circonstance, du moins, la civilisation espagnole, ou ce qui en tenait lieu alors, s’était mise en frais de coquetterie envers lui. Il a toujours aimé ce pays depuis qu’il l’a parcouru, d’abord parce que c’était le premier pays étranger qu’il eût visité, ensuite parce qu’il y rencontra des émotions nouvelles qui le charmèrent, enlin parce qu’il était jeune, vigoureux,