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LE VOYAGEUR.

guéri de la maladie gothique, qui n’a jamais été bien forte chez moi. »

En matière d’admiration, il n’est pas mauvais d’avoir beaucoup de maladies ; j’avouerai, pour ma part, que le Parthénon, dont la vue m’a frappé d’une commotion inexprimable, ne m’empêche point d’admirer les temples de Karnac et que même, après avoir séjourné assez longtemps à Athènes, je n’ai jamais pu entrer à Venise sans émotion. Dans l’expansion du génie humain, toute manifestation supérieure trouve sa place et a droit a la vénération. Le Panthéon de l’art contient plus d’une divinité ; il me paraît sage de les révérer, tout en gardant sa dévotion particulière et en faisant des oblations à celle qui s’identifie le mieux à nos aspirations ; il ne convient de dire aux artistes : un seul Dieu tu adoreras. Le paradis de l’art est fait comme l’Olympe d’Homère : les dieux s’y coudoient, s’y aiment, s’y disputent et n’en sont pas moins des dieux.

En regard de l’opinion de Théophile Gautier je mettrai celle d’un ancien élève de l’École normale, professeur apprécié, dignitaire de l’Université, de M. Daveluy. Il était directeur de l’École française lorsque j’arrivai à Athènes vers la fin de l’année 1850. J’allai le voir, et, tout en causant avec lui, j’apercevais, par la fenêtre ouverte, l’Acropole baignée de lumière, qui portait le Parthénon, le temple de la Victoire Aptère, le Pandrosium comme un triple diadème de beauté, de grâce et d’élégance. Je lui dis : « Que vous êtes heureux de pouvoir con-