Page:Du Camp - Théophile Gautier, 1907.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
LE CONTEUR.

citerai point les auteurs qui furent célèbres alors et je ne raconterai pas après eux — corne et tonnerre ! — les truanderies en hoquetons et en hennins dont les belles dames faisaient leurs délices. À quoi bon réveiller les trépassés ?

Théophile Gautier reçut le mot d’ordre, et ne s’y conforma pas. Victor Hugo venait d’obtenir un des plus retentissants succès qui furent jamais, en publiant Notre-Dame de Paris. Gautier estima que cela était bien ; mais il ne lui convint pas de disputer les restes du maître aux néophytes qui les ramassaient avec plus d’ardeur que d’originalité. Il laissa le moyen âge aux autres et n’y toucha pas ; s’il y touche, en passant, dans les Jeune-France, c’est pour lui manquer de respect. Il voulait bien adopter les principes, applaudir aux efforts, se mêler aux lutteurs et les encourager, mais a la condition de se battre en partisan, avec ses armes personnelles, sous sa propre bannière. Comme Alfred de Musset, il entendait garder son indépendance, et il la garda jusqu’à la dernière heure, conservant son individualité intacte et ne se laissant pas entamer, malgré la dévotion qu’il professait pour Victor Hugo.

On a dit que Gautier avait une âme peu énergique qui volontiers se laissait influencer par autrui. Ceci est une erreur. On a pris sa bonté pour de la faiblesse, et si, dans ses feuilletons hebdomadaires, il ne crut pas devoir toujours résister aux sollicitations de la camaraderie, on a eu tort d’en conclure qu’il avait des opinions vacillantes et une conviction indé-