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LE CONTEUR.

tendant l’oreille et faisant la grosse voix… Tout ce qui s’écarte d’un certain nombre de situations et de paroles convenues paraît étrange et monstrueux : c’est ce qui fait que l’innovation au théâtre est la plus difficile et la plus dangereuse de toutes ; presque toujours la scène neuve fait tomber une pièce, il n’y a pas d’exemple qu’une situation banale ait compromis un succès. « Et après quelques autres considérations, il ajoute : « L’ode est le commencement de tout, c’est l’idée ; le théâtre est la fin de tout, c’est l’action ; l’un est l’esprit, l’autre est la matière. Ce n’est que dans leur vieillesse que les sociétés ont un théâtre ; dans leur décrépitude, quand elles ne peuvent plus supporter le peu d’idéalité que le théâtre contient, elles ont la ressource du cirque. Après les comédiens, les gladiateurs : car l’effet de toute civilisation extrême est de substituer la matière à l’esprit et la chose à l’idée. » Ceci a été écrit en 1834. Est-ce à Théophile Gautier ou à Théophile de Viau que l’auteur des Grotesques a pensé en parlant ainsi ?

Gautier a toujours aimé l’art abstrait, qu’il a pratiqué autant qu’il a pu ; c’est pourquoi il est, dans son jugement, sévère pour le théâtre, auquel il reproche d’avoir besoin de tant d’éléments accessoires convergeant au même but, pour produire l’illusion nécessaire. Cette illusion, il eût voulu l’obtenir de la poésie seule, qui ne la comporte pas et qui ne peut agir sur le public, comme peut le faire l’action dramatique entourée de tous les moyens qui la sou-