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LE POÈTE.

Toutes, du reste, ont des qualités supérieures, pas une n’est médiocre, et elles ont cela de particulier dans l’œuvre de Théophile Gautier, qu’elles ont été, pour la plupart, inspirées par les incidents mêmes de sa vie. Il en est peu sur lesquelles on ne pourrait mettre un nom. Ce n’est certes pas un poème « à clef » ; mais chacune de ces poésies détachées porte un masque qu’il est facile de soulever et derrière lequel se cache le visage de doux fantômes dont le sourire semble flotter au-dessus des vers qui les célèbrent.

Comme il y a loin de ces strophes où vibre une âme attristée, mais sereine, toujours amoureuse du beau, artiste en toute conception, encore ardente malgré les brumes qui pèsent sur elle ! comme il y a loin de cette sagesse généreuse aux furibonderies sataniques d’Albertus, aux lugubres enquêtes de la Comédie de la mort. Le temps a fait son œuvre. L’homme est semblable aux silex qui tombent des falaises et glissent dans la mer. Lorsque la couche calcaire dont ils sont enveloppés les laisse échapper, ils sont anguleux, dentelés, hérissés de pointes. L’océan les reçoit, les agite dans ses tempêtes, les berce de son mouvement rythmique et rejette sur ses bords le galet arrondi, toujours dur et résistant, gardant l’étincelle interne qui jaillit au moindre choc, mais ayant perdu, sous l’action des vagues — j’allais dire des années, — les aspérités dont il était déformé en ses jours primitifs. Des excentricités de sa jeunesse, apparentes dans ses vers bien