Page:Du Camp - Théophile Gautier, 1907.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
THÉOPHILE GAUTIER.

la bienvenue. Cet acte d’équité lui était facile, car, malgré les attaches de sa jeunesse, malgré les admirations persistantes et justifiées de son âge mûr, il était indépendant, se sentant assez fort pour n’appartenir à aucune coterie, assez maître pour n’être d’aucune école. À cet égard, il y eut en lui une sorte de contradiction qui ne fut qu’apparente et que je dois expliquer en rappelant qu’il a dit : « Dès 1833, j’avais enterré le moyen âge. »

Gautier, entraîné par sa passion pour l’art, poussé peut-être par l’instinct de la conservation personnelle qui si souvent nous guide à notre insu, a appartenu corps et âme à l’école romantique, car là seulement, en 1830, il trouvait la liberté dont son tempérament littéraire avait besoin pour se manifester sans contrainte. Jusqu’au bout il est resté fidèle aux principes qu’il avait adoptés, mais il y est resté fidèle non point par respect du pacte accepté, non point par habitude, mais par prédilection d’artiste, parce que ces principes étaient en concordance avec ses idées et avec ses aspirations. Il m’a dit un jour : « J’étais romantique de naissance ; » rien n’est plus vrai. L’école ne l’a pas enrégimenté, il en était avant qu’elle fût. Le résultat de ceci est assez singulier : il ne croyait pas aux écoles ; en revanche, il croyait aux individualités ; il ne se trompait pas. De tous ceux qui sont entrés dans la famille dont Goethe, Schiller, Chateaubriand, Byron, ont été les ancêtres, dont Victor Hugo a été le père, ceux-là seuls ont été supérieurs