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LE POÈTE.

par comparaison, les lignes élégantes et pures ; mais, d’après cette impression, j’ai toujours préféré la statue à la femme et le marbre à la chair. » Il ne s’est jamais démenti et n’a cessé de proclamer la supériorité de l’art sur la nature, qu’en somme il ne paraît pas avoir beaucoup aimée. Son Tiburce de la Toison d’or lui ressemble singulièrement, car, « à force de vivre dans les livres et les peintures, il en était arrivé à ne plus trouver la nature vraie ». Et cependant, lorsqu’il est à Venise et que, saturé de tableaux, d’architecture, de tous les chefs-d’œuvre de la Renaissance, il débarque à Fusina, quel cri de joie en trouvant quelque verdure et en marchant à travers les herbes sauvages !

S’il était épris des arts littéraires et plastiques, il est un art en revanche qu’il dédaignait et auquel il est demeuré indifférent : c’est la musique. À propos d’une phrase jetée sur un album : « La musique est le plus cher et le plus ennuyeux de tous les bruits », on s’est demandé ce qu’il en fallait penser. Il faut en penser ce qu’il a pris soin de dire lui-même dans son étude sur Saint-Amant : « Je dois avouer que le grincement d’une scie ou celui de la quatrième corde du plus habile violoniste me font exactement le même effet. » Il dit, du reste, que Victor Hugo et Lamartine étaient atteints de la même infirmité.

Si, en ce qui concerne l’art et la littérature, Théophile Gautier a eu des idées très arrêtées, on serait embarrassé de déterminer quel fut son système philosophique ; à proprement parler, on peut dire