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LE POÈTE.

quatre tours de scrutin, Auguste Barbier, que dans Italia il avait appelé le bilieux poète, sortit vainqueur tic la lutte, qui fut chaude.

L’Académie regretta, je crois, l’exclusion qu’elle avait donnée à l’auteur de tant d’œuvres dont notre littérature s’honore, et, en 1872, elle semblait décidée à accorder à ce grand lettré la consécration qu’il demandait. Avant qu’elle pût mettre son dessein à exécution, la mort avait élu le poète qui en a chanté la comédie et qui n’eut même pas la consolation de porter l’habit à palmes vertes dont — comme tant d’autres — il s’était raillé aux jours de sa jeunesse. Cela ne rappelle-t-il pas certaines strophes du Romancero de Henri Heine ? Le shah Mohammed se souvient du poète Firdusi qui vit pauvre dans la ville de Thus et il donne ordre de lui envoyer « des présents équivalant au tribut annuel d’une province ». La longue file des dromadaires, chargés de cadeaux expédiés par le souverain, se met en marche. « Par la porte du sud, la caravane entra à Thus, avec des fanfares brillantes et en poussant des cris d’allégresse ; mais par la porte du nord, à l’autre bout de la ville, sortit, dans le même moment, le convoi funèbre qui portait au tombeau le poète mort Firdusi. »

La maladie qui, depuis les jours de la guerre et de la Commune, détruisait lentement la robuste constitution de Gautier, devint si menaçante, que nul espoir ne put subsister ; le 23 octobre 1872, il cessa de vivre à l’âge de soixante et un ans. Les affres de