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THÉOPHILE GAUTIER.

s’agissait, disait Gautier, d’avoir de la truculence, du paroxysme, d’être moyen âge et de rosser les soldats du guet. » J’ai gardé le souvenir d’un récit qui prouve à quel degré de licence on était parvenu à force de s’ingénier aux extravagances pour « épater le bourgeois » : à un bal masqué du théâtre des Variétés, d’Alton-Shée — un pair de France — fort jeune, il est vrai, et Labattue, que l’on a toujours confondu, que l’on confond encore avec lord Seymour, amenèrent une femme enveloppée d’un domino noir. Placée dans un quadrille dont les danseurs avaient été choisis parmi les plus illustres tenants de la Jeune-France, elle se débarrassa tout à coup de son vêtement et apparut dans le costume de notre mère Ève avant l’intervention de la feuille de figuier. La créature eut du succès et on l’acclama. L’exhibition parut excessive aux sergents de ville et aux gardes municipaux ; ils voulurent arrêter la donzelle, dont la chorégraphie seule était un outrage à « la moralité publique » ; ils n’y parvinrent pas. Entourée, défendue par une bande de jeunes gens qui criaient : « Los aux dames ! » ils durent reculer devant les coups de poings et les coups de pieds de ces érudits de la boxe et du chausson. Pendant la bagarre, on recouvrit la danseuse de son domino ; elle put s’esquiver, se perdre dans la foule et force ne resta pas à la loi. J’ai su les noms de la plupart de ces protecteurs du sexe timide, je les ai en partie oubliés ; outre ceux que je viens de citer, je ne peux rappeler avec certitude que celui du peintre