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LA JEUNESSE.

s’imposait à lui et il a été contraint d’éparpiller — de gaspiller — son talent, que la pauvreté, qui le talonnait, ne lui laissa jamais le loisir de concentrer. Volontiers il eût cherché les scènes historiques, l’assassinat du duc d’Orléans près du logis Barbette, le meurtre sur le pont de Montereau, le combat des Trente ; il eût représenté avec amour la ruelle où Valentin tombe en maudissant Marguerite et la Cour des Miracles que Pierre Gringoire égayait par sa maladresse. Au lieu des tableaux qu’il entrevoyait et qui eussent acquis, sous sa brosse, un degré de sincérité respectable, il se dépensa dans toute sorte d’illustrations, faites au jour le jour, sur la commande des éditeurs et pour parer aux nécessités de la vie matérielle.

Lorsqu’il avait pu amasser quelque argent, bien vite il se mettait devant son chevalet et peignait de rares tableaux qui ne furent point exposés sans succès au Salon. Ce n’était qu’un leurre ; dès que la petite épargne était épuisée, il fallait abandonner la toile commencée, sur laquelle on avait peut-être fondé bien des espérances, reprendre la pointe du graveur à l’eau-forte, le crayon du lithographe, la mine de plomb du dessinateur sur bois, faire des frontispices, des culs-de-lampe, des lettres ornées et des vignettes pour les romances. À ce métier il s’épuisa.

Vers la fin de sa vie, il fut nommé directeur de l’École de dessin à Dijon ; c’était le repos assuré, il se remit au travail et reprit le pinceau ; mais il