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THÉOPHILE GAUTIER.

Le citer est de mauvais ton, en faire l’éloge peut paraître périlleux, tout au moins malséant. Or Théophile Gautier, chargé d’un travail par le ministre de l’Instruction publique, était, en quelque sorte, un délégué du gouvernement, tenu de ménager certaines susceptibilités et d’épouser des querelles souveraines. Par prudence peut-être, ou seulement par convenance, va-t-il donc oublier son vieux maître littéraire et sacrifier l’exil au trône ? Que l’on se rassure : Théophile Gautier était incapable d’une telle félonie ; tout se serait révolté en lui : sa foi romantique, sa loyauté, son caractère, dût la perspective d’un poste officiel être le prix — les trente deniers — de son abjuration.

« Nous nous sommes attaché dans cette étude aux figures nouvelles, dit-il, et nous leur avons donné une place importante, car c’était celles-là qu’il s’agissait avant tout de faire connaître. Mais pendant cet espace de temps les maîtres n’ont pas gardé le silence. Victor Hugo a fait paraître les Contemplations, la Légende des siècles, les Chansons des rues et des bois, trois recueils de haute signification. » Ceci n’est qu’une entrée en matière, et Gautier parle du poète, comme jamais courtisan n’a parlé d’un potentat portant couronne en tête et manteau d’hermine à l’épaule. Nulle flagornerie cependant, mais l’expression d’une admiration qui ne se peut contenir. La Légende des siècles lui arrache des cris d’enthousiasme et jamais hommage rendu au génie ne fut plus justifié. Ces deux volumes ont remué, jusqu’aux