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LE CRITIQUE.

principales de Gautier, celles qu’il a faites avec recueillement, sans être harcelé par le temps qui presse, par le prote qui réclame « la copie », par les nécessités de « la mise en pages ». Cette besogne de sisyphe, qui a morcelé et empoisonné sa vie, a produit un nombre énorme de feuilletons, que M. Spoelberch de Lovenjoul a relevés, dans son ouvrage, avec un soin religieux. Ce n’est pas sans tristesse que l’on peut constater sur combien de sujets indignes de lui Théophile Gautier a été obligé de répandre son talent. Certes il a rencontré au théâtre et aux expositions des beaux-arts plus d’une bonne fortune dont son intelligence a profité ; mais, en échange, que de pauvretés, de niaiseries, de balourdises se sont imposées à lui et lui ont volé les heures que la poésie réclamait ! Aussi avait-il fini par prendre son travail en haine et ne se décidait-il à s’y mettre qu’à la dernière minute, semblable à un malade qui recule l’instant de l’opération.

Jamais pourtant dans ces articles, arrachés avec un si douloureux effort à son ennui, il ne s’est montré ni maussade ni irrité. Il accomplissait sa tâche avec bienveillance, comme un bon ouvrier, comme un maître ès lettres qu’il était. Sa critique était toujours courtoise et son respect pour le public était irréprochable, respect pour le public et respect pour lui-même, pour la langue qu’il devait parler, pour le savoir-vivre dont jamais, plume en main, il ne s’est départi.

Il n’échappa à aucun des désagréments, pour ne