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Page:Du Deffand - Correspondance complète de Mme Du Deffand, tome 1.djvu/344

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chez l’ambassadeur d’Angleterre ; avec le grand-papa, mesdames de Grammont et de Lauraguais, de Beuvron, tout le corps diplomatique, etc. Oh ! ma grand’maman, que ne puis-je vous parler librement ! j’ai eu les oreilles déchirées par ce qu’elles m’ont fait entendre ; fi ! fi ! du monde, de ses pompes et de ses œuvres. S’il ne fallait qu’y renoncer et les détester, le paradis me serait bien assuré !

Notre chevalier[1] a toujours la tranquillité de l’âge d’or. Je ne sais pas si ses mœurs en ont toute la pureté. Les lois que les hommes ont faites peuvent rendre quelques-uns de ses déportements peu corrects, mais la loi naturelle ne peut trouver rien à redire en lui. Je trouve que son âme est le chef-d’œuvre de la nature c’est son enfant favori, son prédestiné ! Il y a longtemps qu’il jouit de la rosée du ciel. Il va jouir de la graisse de la terre ; il n’en résultera aucun changement. Le prince de Beauffremont sera notre chevalier de Listenay. Il aura soixante mille livres de rente, de la substitution. Le grand-papa ne lui laissera pas attendre le régiment et le gouvernement. Il se mariera sans doute ; il n’a pas encore jeté le mouchoir. Toutes les mères le postulent pour leurs filles. D’où vient mademoiselle de Senneterre, ne vous plaît-elle pas ? Il vous a peut-être rendu compte de tout ce qui le regarde. Il m’a dit vous avoir écrit une très-longue lettre, les quatre pages si remplies qu’il n’y avait plus de place pour dire un mot à l’abbé. Oh ! cet abbé peut être tranquille, s’il désire d’être aimé de lui et de moi nous parlons de lui sans cesse.

Vous croyez bien que je n’ai pas entendu parler du grand-papa et que je n’en entendrai pas parler avant votre retour. On pourra chanter demain à votre maréchale : Sangaride, ce jour, etc[2]. Quelle est celle qui lui répondra, et qu’est-ce

  1. De Listenay.
  2. Il était question d’une entrevue avec la favorite. Le duc de Lévis dit dans ses souvenirs « On blâma la complaisance qu’eut la maréchale de Mirepoix de se montrer en public avec madame du Barry ; mais ce fut uniquement par reconnaissance pour le roi qu’elle prit ce parti peu conforme à la bienséance, et du moins sut-elle, dans cette situation même, conserver toujours des manières nobles et convenables… »