Page:Du Deffand - Correspondance complète de Mme Du Deffand, tome 1.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour vous amuser, pour vous plaire, pour justifier votre goût, pour l’exciter sans cesse.

Ce que vous dites du chevalier est charmant et de toute. vérité oui, il est bien l’enfant gâté de la nature ; mais comme il ne sait pas qu’il est gâté, il n’est point fat, il jouit de tous ses dons en s’y abandonnant seulement, et c’est pour cela qu’il est si aimable.

Vous demandez ce que j’ai contre mademoiselle de Senneterre ? Madame de Villeroy qui, à ce titre, s’emparerait de notre pauvre chevalier et l’excéderait ; je veux que notre chevalier soit toujours libre, heureux et à nous.

Je vous dirai pour toute nouvelle que je suis de fort belle humeur. Aujourd’hui, j’aime le roi plus que jamais, et c’est beaucoup dire ; le cardinal Ganganelli, cordelier, est pape, et cela me fait plaisir encore parce que j’ai des cordeliers à Amboise, et peut-être aussi pour d’autres petites raisons. La Corse ne va pas mal. M. de Choiseul sera ici mercredi ; je le gronderai de ne vous avoir pas été voir ; je tâcherai de vous l’envoyer à son retour. Je lui dirai que je vous aime, car c’est toujours ma première pensée, parce c’est mon dernier sentiment, dernier ne veut pas dire ici moindre ; c’est-à-dire, ma chère enfant, celui qui est permanent, par lequel on finit, auquel on revient toujours.

L’abbé vous a envoyé là copie de la lettre de M. Guillemet, je vous envoie aujourd’hui un exemplaire de sa dernière petite brochure que vous n’avez peut-être pas. Avez-vous jamais rien vu de si fou et de, si joli que la lettre que l’abbé vous a écrite en vous envoyant celle de M. Guillemet ? Adieu encore une fois, ma chère enfant, je ne vous écrirai plus qu’après le départ de M. de Choiseul.