Page:Du Deffand - Correspondance complète de Mme Du Deffand avec ses amis, tome 1.djvu/264

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et peu entendue, elle me parait glorieuse, enfin elle me déplaît au possible. Elle comptait tout à l’heure s’établir dans ma chambre pour y faire ses repas, mais je lui ai dit que j’allais écrire je l’ai priée de faire dire à madame la Roche les heures où elle voulait manger et ce qu’elle voudrait manger, et où elle voulait manger ; et que, pour moi, je comptais avoir la même liberté : en conséquence, je mangerai du riz et un poulet à huit heures du soir.

Notre maison est jolie, ma chambre assez belle, et mon lit et mon fauteuil me consoleront de bien des choses. Voilà tout ce que je peux vous mander aujourd’hui. Nous avons rencontré prés de Forges deux messieurs qui s’en retournaient et qui ont déjà pris les eaux.

On dit qu’il y a ici un M. de Sommery et un autre homme dont on ne sait point le nom. Ce M. de Sommery pourrait bien être l’ami de M. du Deffand (je lui en connais un de ce nom), et il se pourrait faire que l’anonyme fut M. du Deffand : cela serait plaisant ; je vous manderai cela par le premier ordinaire. J’ai grand besoin de votre souvenir et que vous m’en donniez des marques en m’écrivant de longues lettres, pleines de détails de votre santé ; je vous passerai de n’être pas si exact sur vos amusements : vingt-huit lieues d’éloignement sont un rideau trop épais pour prétendre voir au travers. De plus, j’ai mis ma tête dans un sac, comme les chevaux de fiacre, et je ne songe plus qu’à bien prendre mes eaux. Adieu, je vais être longtemps sans vous voir, j’en suis plus fâchée que je n’en veux convenir avec moi-même.




LETTRE 9.


LA MÊME AU MÊME.


Mardi 3 juillet.

Savez-vous qu’il est près de minuit et que je ne suis point endormie ? je suis couchée depuis dix heures, je me meurs de chaud, et peut-être ne fermerai-je pas l’œil de la nuit : si cet accident m’arrive souvent, il ne me restera plus qu’à me pendre. Les journées sont si désagréables, que, pour peu qu’elles soient suivies d’insomnies, je ne sache nulle condition humaine qui n’y soit préférable. Ce que j’attends n’arrive point : c’est peut-être l’effet de la saignée, peut-être de la fatigue ; tout ce que