Page:Du Deffand - Correspondance complète de Mme Du Deffand avec ses amis, tome 1.djvu/272

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et qu’après cela il n’en part plus que le jeudi, et qu’ainsi je pourrais recevoir aujourd’hui une lettre de mardi.

Je ne vous écrivis point, hier, parce que je revins fort tard d’Athis, où j’étais allé le mercredi avec M. de Maurepas et Pont de Veyle. Il prit en arrivant un orage des plus violents que j’aie vus. Ce qu’il y eut de plus fâcheux, c’est qu’il fut accompagné de grêle grosse comme des balles. On allait en bateau dans toute la maison, et on fut obligé de se réfugier en haut. Voilà trois orages qui ont ruiné tous les environs de Paris, vignes, blés, cerises, etc. C’est une désolation générale, et nous n’avions pas besoin de cela.

M. de Belle-Isle reste à l’armée, et il y a ici des gens qui pensent qu’il est mieux que jamais, et que son apologie est portée en droiture aux dépens des plus hauts chênes. On ne comprend rien à tout ce qui se passe : tout est en soupçons, rien ne paraît stable, et les cèdres tremblent. Quand je dis que M. de Belle-Isle reste à l’armée, c’est-à-dire qu’il y reste avec M. de Broglie, sans que, sur toutes leurs divisions, on ait pris d’autre parti que de leur mander de bien vivre ensemble.

Mertrud a vu le contrôleur général[1] : il a été enfermé avec lui, tête à tête, une heure et demie, et le résultat a été que Mertrud l’entreprenait, sans qu’il ait pu obtenir que Silva ait été appelé en consultation : seulement il a rendu compte à Helvétius, qui a tout éprouvé ; Mais Mertrud a la seule confiance, et nous le verrons bientôt fermier général. Il m’a rendu compte de l’état du malade : il ne pense point du tout qu’il soit sans ressource, et je crois qu’il est persuadé qu’il le guérira.

Comme je me promenais hier, sur les huit heures du soir, dans le Palais-Royal avec M. d’Argenson, mon laquais vint me dire que madame de Luynes avait vu mon carrosse dans la grande cour, et qu’elle demandait à me voir. J’y allai, et je la trouvai dans le jardin, qui venait à moi avec M. de Luynes et madame de Chevreuse. Je lui demandai par quel hasard elle était à Paris, et depuis quand. Elle y était de mardi au soir, où elle était venue joindre M. de Luynes qui arrivait de Choisy. Vous jugez bien du cri que je fis de n’en avoir pas été averti. On se justifia de son mieux : on devait aller le mercredi à Saint-Maur ; l’orage en avait empêché, etc. Madame de Chevreuse

  1. Philibert Orry, contrôleur géneral des finances pendant quatorze ans, remercié en décembre 1745, remplacé par M. Machault d’Arnouville, mort, âgé de soixante ans, en novembre 1747. (L.)