Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

146
FANTÔMES BRETONS


chapelle à l’enseigne de gui, comme c’était déjà la mode dans ce temps-là. La vue de cette enseigne de malheur augmenta encore sa soif, si bien que le voyageur s’approcha sans défiance de la porte de ce cabaret. Alors il remarqua qu’une femme se tenait assise au comptoir, sur lequel on voyait alignés des verres, des chopines, des pichets de vin et de cidre ; et tout cela était bien tentant pour un homme aussi altéré. Mais, à la vue d’une femme, il recula en soupirant, et, raffermissant sa pauvre tête qui en avait tremblé, il se disposait à se remettre en route, quand on le toucha à l’épaule.

— Eh bien ! l’ami, lui dit un homme un peu rouge, mais aimable, on passe devant la boutique à Bacchus sans dire bonjour ? La vieille Proserpina, mon épouse, que vous voyez là, verse pourtant bonne mesure aux pratiques, quoiqu’elle ait cent ans sonnés. Hé, hé, hé !!.....

En entendant parler de cent ans, Trémeur se sentit rassuré, le malheureux ! Il ignorait qu’il y a des vieilles plus rouées que des jeunes. Il revint donc et entra dans le cabaret.

Il aurait dû se méfier autant du cabaret que des femmes, jeunes ou vieilles ; mais la soif, la terrible soif, la pluie qui tombait, la vue des pichets de cidre, rien que la main à tendre et deux sous à donner ; ah ! un Breton, un vrai Breton n’y saurait tenir !

Voilà qui va mal !… très-mal !…

Trémeur entra donc, et, la langue épaisse, comme de raison, il demanda à boire un bon coup de sistr’-