Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

169
LE RECTEUR DE L’ÎLE DE HOUAT


sans ressources, après la mort de son père, avait eu l’imprudence d’accepter quelques services de la part de cet homme vindicatif. C’est pourquoi Corfmat, abusant de cette situation, avait osé rappeler à Anna Morel la reconnaissance qu’il prétendait lui être due.

Telle était la position difficile d’Anna Morel et de son mari vis-à-vis du Nantais, et Dieu sait que le Nantais était homme à en abuser en toute occasion favorable à ses desseins. De plus, on disait encore qu’il avait laissé dans la marine militaire les plus fâcheux souvenirs. On rapportait que sur un vaisseau de guerre, où Corfmat avait été embarqué (il pouvait y avoir sept ou huit ans), une condamnation grave l’avait flétri pour jamais ; et nous, simple narrateur, mais qui avons le privilége de lire au fond des âmes de nos personnages, nous croyons savoir que cet homme coupable avait juré de se venger.

Or Julien Morel, orphelin sans autre ressource que son courage et ses bras, avait été appelé, comme tous les jeunes marins, par la presse maritime du temps, pour défendre la patrie en danger ; et l’on sait qu’à cette époque le canon ennemi faisait chaque jour de nouvelles trouées dans les rangs de nos soldats de terre et de mer. Julien avait pris la mer sur la frégate la Galathée, du port de Lorient, trois mois à peine après son mariage avec la nièce de Catherine. La réputation acquise au service par le jeune matelot était déjà exceptionnelle : ses camarades l’aimaient pour sa loyauté et sa bonne humeur, et ses chefs, touchés de sa douceur et de son exactitude, autant qu’émerveillés de son cou-