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FANTÔMES BRETONS


entre les escadres française et anglaise. Ils ajoutaient que la frégate la Galathée s’était particulièrement distinguée ; qu’écrasée, criblée par deux grands vaisseaux anglais, elle avait tenu son pavillon hissé à la corne d’artimon ; et que, grâce aux prodiges de valeur de son vaillant capitaine et de son équipage, composé en grande partie de matelots bretons, elle avait réussi, après quatre heures de combat, à se retirer hors de la portée des ennemis, trop avariés pour lui donner la chasse ; qu’enfin le sémaphore de Quiberon avait signalé la présence de la Galathée au large de Belle-Île ; mais qu’elle paraissait se traîner péniblement sous ses basses voiles et pouvait bien, en outre, se trouver en danger de sombrer.

Tous ces récits, répandus avec rapidité et commentés dans l’île de Houat, devaient fatalement arriver bientôt aux oreilles de la femme de Julien Morel ; et, du reste, lors même qu’aucune indiscrétion, aucun rapport direct ne seraient venus lui révéler ces détails, ne les aurait-elle pas bientôt surpris, soupçonnés ?…

Un trouble mortel, pareil à une fièvre incessante, la minait sans répit. Elle, si calme naguère, si sédentaire, aimait à sortir à toute heure ; elle ne tenait plus en place, et sans les soins qu’exigeait sa chère petite fille, elle eût volontiers employé à errer, sur les grèves et les falaises élevées, la plus grande partie du jour ou même de la nuit. On la voyait souvent, toute pâle et transie, debout au sommet des rochers, l’œil fixé au loin sur la mer dont elle voulait sonder l’horizon, dans l’espoir de découvrir les vergues ou les voiles trouées